L’avenir du travail déterminera celui de l’égalité

La façon dont nous gérerons les nouvelles technologies est la question la plus importante qui nous attend. Connaître les changements à venir et s’y préparer est bénéfique pour le plus grand nombre, avec des coûts de transition moindres.
L’avenir du travail est ici. Les bouleversements technologiques changent déjà rapidement le travail, mais nous n’avons encore qu’une idée vague de ce à quoi ressemblera le marché du travail dans les années à venir, au Canada ou ailleurs, y compris dans les pays en développement.
Étant donné que nous connaissons mal les répercussions que la technologie de l’automatisation comme l’intelligence artificielle (IA) et la robotique auront sur les emplois, les compétences et les salaires, nous ne savons pas non plus quelles compétences précises les gens nécessiteront. Toutefois, l’histoire nous enseigne qu’il est essentiel d’aider les gens à s’adapter au changement. La créativité, la communication, la collaboration et la pensée critique sont essentielles pour enseigner aux gens à faire face au changement et à s’éduquer. Ces compétences doivent être mises en valeur dans les systèmes éducatifs.
La formation en vue d’un nouvel emploi ne sera pas un événement unique. Il doit plutôt s’agir d’un processus continu, en partenariat avec les syndicats et les gouvernements. La clé sera de protéger les travailleurs, et non les emplois. La recherche a un rôle important à jouer dans la recherche de solutions novatrices pour relever ce défi.
Par ailleurs, les craintes d’un chômage de masse dû à l’automatisation ne se sont pas encore matérialisées. Un article récent du Journal of Economic Perspectives demande même dans son titre pourquoi il y a encore tant d’emplois. Toutefois, nous ne devons pas être complaisants. En effet, certains désignent l’ère actuelle des technologies nouvelles et émergentes comme la « quatrième révolution industrielle ». Les craintes d’un chômage à grande échelle résultant des révolutions industrielles passées ne se sont jamais concrétisées, car de nouveaux emplois ont été créés pour remplacer ceux qui avaient été perdus. Il est difficile de prédire ce qui se passera à notre époque. Cependant, il y a des raisons de croire que cette fois-ci pourrait être différente.
En effet, contrairement aux cochers qui ont pu se recycler en chauffeurs de taxis, il sera plus difficile pour les conducteurs de camions de passer à l’analyse des données. Les économies des pays en développement - où les protections sociales et les droits des travailleurs, tels que les pensions ou les aides au chômage, sont généralement inexistants - sont plus menacées. Les emplois du secteur manufacturier, qui ont joué un rôle clé dans l’amélioration du bien-être et la création d’une classe moyenne dans les pays du Nord et dans les miracles économiques de l’Asie de l’Est, se réduisent avec l’automatisation. Cette réalité a des répercussions sur les usines qui ont créé des millions d’emplois, notamment pour les femmes peu qualifiées au Bangladesh et au Cambodge.
Les mêmes changements technologiques ont un impact énorme sur le potentiel de transition économique en Afrique. Alors que la transformation économique précédente impliquait la création d’emplois à l’exportation pour les travailleurs peu qualifiés, l’automatisation élimine l’espoir d’une nouvelle vague de croissance similaire de l’emploi.
Toutefois, pour de nombreux travailleurs des pays du Sud, l’avenir du travail ne changera peut-être pas beaucoup par rapport au présent, du moins pendant un certain temps, et il est important que nous ne les ignorions pas. Dans les collectivités à faible revenu en Asie, les travailleurs à domicile, principalement des femmes, travaillent déjà dans des milieux précaires et informels et n’ont guère accès à la protection sociale. Si les types de travail qu’elles effectuent - comme coudre et couper des tissus pour les vêtements - ne sont plus disponibles, des millions de femmes et leurs familles risquent de sombrer dans la pauvreté.
Bien que l’économie des petits boulots, qui offre des contrats à court terme ou du travail à la pige en ligne, ne soit pas une panacée, elle pourrait offrir des possibilités d’avancement économique pour les travailleurs engagés dans un travail informel de faible qualité. Les défis consisteront à réglementer ces systèmes afin qu’ils respectent les droits des travailleurs et qu’ils assurent l’inclusion et l’égalité.
Outre la réglementation, les gouvernements devront intervenir, subventionner un secteur de l’éducation tout au long de la vie tout en fournissant des filets de sécurité pour les périodes de transition et pour ceux qui ne peuvent s’adapter. Le moment est venu de commencer à réfléchir à une société post-travail pour au moins certains travailleurs et de penser à des mesures telles que des revenus de base universels ou des services de base universels.
La façon dont nous gérerons les nouvelles technologies est la question la plus importante qui nous attend. Connaître les changements à venir et s’y préparer peut accroître considérablement la probabilité qu’ils bénéficient au plus grand nombre, avec des coûts de transition moindres.
Les grandes transformations historiques dont nous profitons aujourd’hui n’ont jamais porté sur la technologie en soi, mais sur la façon dont les sociétés gèrent les changements et bâtissent des institutions pour répartir plus équitablement leurs avantages.
Arjan de Haan est directeur des économies inclusives au Centre de recherches pour le développement international (CRDI). Naser Faruqui est directeur, Technologie et innovation, au Centre de recherches pour le développement international (CRDI).
Ce texte a déjà été publié dans le Hill Times’ Annual Briefing on Research and Innovation.