Pour faire avancer l’égalité des genres, réglons la question du travail de soins non rémunéré
Chaque jour, Magdaline Masinde dépose sa fille de deux ans dans une garderie avant de se rendre à l’un des marchés animés de la ville de Nakuru, au Kenya, pour y vendre du savon.
« Après ma première grossesse, j’ai gardé mon fils à la maison et j’ai fait du ménage au bureau à l’occasion » explique-t-elle. « Mais avec deux enfants, je devais trouver un travail plus régulier. »
Au lieu d’amener sa fille au travail ou d’essayer de trouver des solutions de garde d’enfants improvisées, Magdaline se tourne vers la garderie Kidogo de son quartier populaire. Kidogo offre une formation aux fournisseurs de services de garde informels afin qu’ils puissent créer un environnement de qualité, sécuritaire et sain pour les enfants d’âge préscolaire dans les quartiers à faible revenu, ce qui permet aux mères de mener leur vie et poursuivre leur carrière.
À l’échelle mondiale, le mouvement visant à reconnaître, réduire et redistribuer le travail de soins non rémunéré a pris de l’ampleur. Le 29 octobre 2023, le monde a célébré la toute première Journée internationale des soins et de l’assistance des Nations Unies; un rappel puissant que l’économie des soins, rémunérés et non rémunérés, est cruciale pour l’avenir du travail décent, pour des sociétés et des économies durables et pour atteindre l’égalité des sexes.
Après que les mesures de confinement liées à la COVID-19 ont mis l’accent sur l’importance de l’économie des soins et sur la crise mondiale de la garde d’enfants, l’avènement de cette nouvelle journée des Nations Unies n’est pas une coïncidence.
L’économie des soins a encore été propulsée sous les projecteurs récemment lorsque Claudia Goldin a remporté le prix Nobel d’économie pour des recherches essentielles à notre compréhension des raisons pour lesquelles les écarts entre les genres existent et qui ont mis au jour des facteurs sociétaux clés, y compris le travail de soins, qui limitent les revenus des femmes et les empêchent d’atteindre leur potentiel.
Dans le monde, environ 50 % des femmes participent au marché du travail, contre 80 % des hommes, mais les femmes gagnent en moyenne 20 % de moins et sont moins susceptibles d’atteindre le sommet de leur carrière. Même avant la pandémie, les Canadiennes consacraient une heure et demie de plus par jour aux tâches ménagères et à la prestation de soins que les hommes. Et lorsque la COVID-19 a précipité la crise des soins aux enfants et aux personnes âgées, 12 fois plus de Canadiennes que de Canadiens ont cessé de travailler .
Les normes sociales et culturelles imposent aux femmes d’assumer la plus grande partie de la responsabilité des soins non rémunérés. Ces normes doivent changer. Les partenaires, les collectivités, les entreprises et les gouvernements doivent chacun jouer un rôle pour arriver à un équilibre entre les soins non rémunérés et les responsabilités professionnelles rémunérées des femmes.
Le Canada est un chef de file mondial en matière de soins de santé, en partie grâce à des initiatives comme Mettre à l’échelle les innovations en soins en Afrique – qui vise à reconnaître, réduire et redistribuer le travail de soins non rémunéré au moyen d’innovations éprouvées en matière de politiques et de programmes – et Les femmes s’élèvent, une initiative mondiale appuyée par trois bailleurs de fonds canadiens de la recherche, qui examine les responsabilités de soins non rémunérés des travailleuses de la santé.
En attendant, Kidogo prend de l’expansion au Kenya.
Kidogo a établi un partenariat de recherche avec le African Population and Health Research Center qui aidera à mettre à l’échelle le modèle de franchisage. Ils fournissent des preuves et leur expertise pour l’élaboration d’une politique au Kenya en matière de soins non rémunérés et de travail domestique, actuellement en cours.
Aujourd'hui, Magdaline gagne sa vie, sachant qu’on prend bien soin de son enfant. Pour les mères comme elle, la garde d’enfants est gage d’égalité et d’opportunités. Et pourtant, les soins non rémunérés ne concernent pas seulement les femmes –reconnaitre, réduire et redistribuer ce fardeau est vital pour l’avenir de nos économies et de nos sociétés et constitue un impératif culturel. Il est temps d’agir et de veiller à ce que le travail de soins non rémunéré ne soit plus un obstacle, mais plutôt une priorité qui galvanise l’action mondiale en faveur de l’égalité des genres.