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Des voix pour un changement positif : Des femmes sud-africaines racontent leur histoire

 

Comment les femmes en situation de vulnérabilité peuvent-elles surmonter le désespoir, l’extrême pauvreté et les défis liés à la santé et aux moyens de subsistance d’une pandémie mondiale? Quelles sont les meilleures approches de recherche pour faire en sorte que leurs expériences comptent dans les efforts de reprise après la pandémie et la préparation future?

Posez-leur les questions.

Deux projets de recherche dans les provinces Cap-Oriental et KwaZouluu-Natal, en Afrique du Sud, utilisent des méthodologies expérientielles pour révéler les histoires, les idées et les solutions des femmes concernant leur reprise après la pandémie.

Les projets font partie de l’initiative Les femmes S’ÉLÈVENT, laquelle est financée conjointement par le CRDI, les Instituts de recherche en santé du Canada et le Conseil de recherches en sciences humaines. Cette initiative soutient la recherche sexotransformatrice orientée vers l’action sur la façon dont la santé des femmes et leur travail (rémunéré ou non) se recoupent dans le contexte de la préparation, de la réponse et de la reprise après la COVID-19. En adoptant deux approches différentes : l’une étant une approche ethnographique et l’autre étant une série d’ateliers combinée à un essai de transferts d’argent. Ces deux projets visaient à comprendre le caractère multidimensionnel de la vie et des circonstances des femmes économiquement défavorisées, et ils ont étudié différentes façons d’amplifier leur voix à l’aide d’approches inclusives.

La pauvreté extrême est une réalité pour de nombreuses femmes sud-africaines

L’Afrique du Sud affiche l’un des taux d’inégalité des revenus les plus élevés au monde et a été gravement touchée par la pandémie de COVID-19, avec le plus grand nombre de décès liés à la COVID-19 sur le continent africain. Avant la pandémie, on estime que 2,8 millions de personnes vivaient en dessous du seuil de la pauvreté des ménages, et le taux de chômage était de 30 %. Pour atténuer les répercussions socio-économiques de la pandémie, en particulier pour les ménages vulnérables, le gouvernement sud-africain a mis en œuvre un ensemble de réformes d’urgence en matière de protection sociale en 2020. Cela comprenait la mise en œuvre du transfert en espèces de l’allocation de détresse liée à la COVID-19 pour les adultes au chômage de moins de 60 ans et ceux sans revenu. Le gouvernement sud-africain prévoit de prolonger l’allocation au-delà de mars 2025 et de la maintenir en tant que forme de revenu de base pour la population sud-africaine au chômage.

Amplifier la voix des femmes pour trouver des solutions

Le premier projet, intitulé Ukuvula Isango, ou « ouvrir du portail », a utilisé une approche ethnographique pour recueillir les témoignages oraux de 300 femmes dans les régions rurales du Cap-Oriental, dont beaucoup ont été exclues et isolées pendant les restrictions liées à la COVID-19. La région compte plus de 7 millions de personnes et a été classée parmi les plus pauvres d’Afrique du Sud. Elle a également enregistré l’un des taux de mortalité pandémique les plus élevés, avec 750 décès pour 100 000 personnes. En 2022, on a signalé que la région était en proie à une crise alimentaire d’ampleur catastrophique.

Grâce à un partenariat entre le Human Sciences Research Council, l’Université McGill au Canada, l’Université Walter Sisulu en Afrique du Sud et le Eastern Cape Socio-Economic Consultative Council, des équipes de recherche documentent et relèvent les défis auxquels les femmes font face en milieu rural. Le projet couvrait huit communautés rurales, interrogeant les femmes sur l’impact de la pandémie sur leur vie, en mettant l’accent sur la façon dont elles se voyaient s’adapter et se rétablir. L’objectif était de cerner les tendances et les déclencheurs affectant leurs moyens de subsistance et leur santé à l’aide d’une méthodologie de recherche qui met l’accent sur leurs connaissances et leurs perspectives pour éclairer la science.

En fin de compte, les équipes de recherche voulaient trouver des solutions axées sur les femmes aux problèmes de santé publique et de moyens de subsistance afin d’accroître la résilience des communautés aux futurs chocs externes.

Les femmes parlent : Premiers résultats dans les régions rurales du Cap-Oriental

Des thèmes communs ont émergé des témoignages oraux recueillis à ce jour. Les équipes de recherche rapportent que la pandémie a touché de manière disproportionnée les femmes, dont beaucoup ont perdu leur emploi. Les lieux de travail, les centres de santé et d’autres services ont fermé, laissant les femmes déconnectées de leurs réseaux sociaux. Les enfants adultes et leurs conjointes et conjoints ont déménagé à la maison, ce qui a entraîné une pression encore plus grande et une augmentation de la violence familiale. Un plus grand nombre de grossesses chez les jeunes a ajouté au fardeau déjà difficile des soins pour les femmes.

De nombreuses femmes ont déclaré que la dette s’était contractée. Une inflation élevée a encore aggravé le problème, laissant les ménages de femmes dans un cycle continu de déficit économique. Ces derniers continuent de lutter contre l’insécurité alimentaire et une dépendance presque universelle à l’égard des subventions sociales pour leur survie. Les femmes ont signalé une nouvelle norme : vivre avec le stress, la maladie mentale, l’isolement et la consommation de substances.

À travers les histoires et les expériences recueillies auprès des femmes de régions rurales du Cap-Oriental, l’équipe du projet a conçu et organisé une série d’ateliers d’autonomisation économique afin de proposer des stratégies pour les soutenir. Les thèmes abordés comprenaient la violence fondée sur le genre, l’agriculture familiale et communautaire, le bien-être mental, le travail non rémunéré des femmes de milieux ruraux, la santé sexuelle et reproductive, et plus encore.

Le projet vise à rapprocher le gouvernement et les communautés afin de produire conjointement de nouvelles solutions, en comblant le fossé entre la politique actuelle et les besoins des femmes dans les régions rurales et de leurs familles pour reconstruire leur vie et leurs possibilités.

Soutenir les personnes soignantes avec des ateliers et des transferts en espèces

Le deuxième projet de l’initiative « Les femmes S’ÉLÈVENT », Caregiver Wellbeing PLuS (CWEL+), est dirigé par des équipes de recherche du South African Medical Research Council, de l’Université Simon Fraser et d’autres groupes partenaires. Établie dans le KwaZoulou-Natal, l’équipe de recherche a mis en place deux groupes d’essai de personnes soignantes d’enfants et d’adolescents vivant avec le VIH : l’un recevant uniquement des transferts en espèces et le second recevant des transferts et une formation à l’autonomisation dans le cadre d’un programme de revenu de base liée à la COVID-19.

Des études ont révélé que les femmes qui s’occupent d’enfants sans rémunération ont été touchées de manière disproportionnée par la pandémie. Les personnes soignantes – principalement les mères et les membres de la famille – fournissent un abri et de la nourriture, ainsi qu’un soutien émotionnel, mais leur capacité à fournir des soins de qualité pendant la pandémie de COVID-19 a été entravée par la pauvreté, les problèmes de santé, la stigmatisation, l’accès limité aux services sociaux et le fait que beaucoup vivent avec le VIH.

La prémisse du projet CWEL+ est que de simples transferts en espèces ne peuvent pas à eux seuls améliorer la situation des aidants naturels; il est plutôt essentiel pour une intervention réussie de fournir des occasions de perfectionner les compétences en matière de genre et les compétences économiques des personnes soignantes.

Les femmes parlent : Premiers résultats du KwaZoulou-Natal

Dans le cadre du projet, l’équipe de recherche a organisé une série d’ateliers de dix séances sur six semaines portant sur des sujets comme les normes de genre néfastes, la violence entre partenaires intimes, les stratégies d’adaptation positives, le développement de relations, la budgétisation et le démarrage d’une petite entreprise. Les sujets ont été conçus en réponse aux questions soulevées par les personnes soignantes dans la collecte de témoignages oraux.

L’équipe de recherche a invité les personnes soignantes à créer conjointement le matériel de l’atelier, à la fois pour intégrer leurs expériences et pour se responsabiliser ainsi que les autres au sein de leur communauté. De nombreuses personnes soignantes participantes ont fait l’éloge de la valeur des sujets, du matériel et de l’approche inclusive de l’atelier. « [Grâce aux leçons de l’atelier], vous devenez plus résilient et plus confiant pour faire face aux défis et au stress de votre vie quotidienne », a déclaré une participante. « Vous pouvez voir que vous n’êtes pas seule; il y a d’autres femmes qui vivent les mêmes défis que vous. »

« J’ai pu éduquer grâce à la vidéo « My Stigma » qui a été utilisée dans le cadre du programme CWEL+ », a déclaré une personne soignante qui était également membre du conseil consultatif. « Dans la vidéo, je discute de la façon de prendre soin des enfants vivant avec le VIH et de la façon dont ils peuvent prendre soin d’eux-mêmes, car vivre avec le VIH ne signifie pas que c’est la fin du monde. »

Espoir pour l’avenir

Bien que les deux projets écoutent et enregistrent les histoires de femmes, ils vont au-delà de la documentation pour autonomiser les participantes. L’accueil favorable réservé aux ateliers dans le cadre des deux projets montre qu’avec les bonnes méthodologies et une conception intentionnelle, les histoires de femmes sur leurs luttes et leur chemin vers la résilience peuvent fournir de précieux renseignements qui façonnent les solutions et influencent l’élaboration de politiques.

Alors que l’Afrique du Sud célèbre le 30e anniversaire de la chute de l’apartheid en 1994, des défis demeurent. Les projets qui utilisent des méthodologies d’autonomisation et donnent la parole aux personnes les plus vulnérables de la société sont prometteurs pour l’avenir. En recueillant des histoires et des expériences de vie, en offrant une formation sur les capacités et en testant les transferts monétaires, les équipes de projet relient les politiques et les pratiques de manière significative.

Faits saillants

  • Les programmes de relance économique devraient écouter les voix des femmes sur la façon d’atténuer la pauvreté et la faim en stimulant la production alimentaire locale.  
  • Les transferts monétaires à eux seuls ne sont pas aussi efficaces pour sortir les gens de la pauvreté qu’une approche mixte utilisant une combinaison de transferts et d’approches d’autonomisation des compétences de vie.
  • Les histoires et les expériences des femmes fournissent des renseignements essentiels sur leur situation, offrant des connaissances qui peuvent aider les décisionnaires à façonner les programmes de soutien.
  • Les personnes ayant une expérience vécue sont bien placées pour créer conjointement des programmes et du matériel de formation afin d’aider d’autres personnes aux prises avec des défis similaires.
  • Lorsque des femmes et d’autres personnes vivant dans l’extrême pauvreté racontent leur histoire et produisent conjointement des solutions, elles acquièrent les moyens d’influencer le changement.